La Part de Culpabilité
« Thyrio était un bon garçon, répétait Mamie Souris en rajustant ses lunettes sur son museau. Il n’aurait pas fait de mal à une mouche, vous savez ? Je ne peux pas croire que ce soit lui qui ait fait tout ce que vous dites. Il venait souvent dans ma boutique, vous savez ? Il prenait toujours le temps de chercher exactement ce qu’il lui fallait pour ses marionnettes. Parfois il savait ce qu’il voulait ; il me demandait : « Mamie Souris, auriez-vous un ruban de satin bleu profond comme les abysses sans lumière et doux comme l’écume des nuages sur l’horizon ? » Parfois il cherchait l’inspiration, et me demandait conseil : « Mamie Souris, quel genre de bouton mettriez-vous aux manches d’un capitaine de navire qui vogue pour oublier son amour perdu ? » Quelques fois, il ne savait même pas ce qu’il cherchait. Je lui disais : « Cherche, mon grand. Tu comprendras ce que tu cherches lorsque tu le trouveras. » Je ne connais même pas tous les tiroirs de toutes mes étagères, vous savez ? Parfois, il cherchait si longtemps qu’il me ramenait du fond de ma boutique de véritables trésors : « Mamie Souris, saviez-vous que vous aviez du fil de soie à la fois vert comme la mer avant l’aube et bleu comme la forêt après le crépuscule ? » C’était aussi un jeune homme mystérieux, vous savez ? Certains jours il était joyeux et débordant d’envies contradictoires, mais d’autres jours je sentais une grande mélancolie dans son regard, comme si tout le poids du monde pesait sur ses épaules ; comme si tous les malheurs lui incombaient. »
Mamie Souris baissa la voix et jeta des coups d’œil furtifs autour d’elle. « Je crois que c’est à cause de son second métier, vous savez ? Je pense que c’est ce qu’on lui a fait faire qui l’a rendu comme ça. Il me semble que Citrouille a une part de culpabilité, dans toute cette affaire. »