Fragment : Te Désassembler

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Te Désassembler


« Hey ! Hého ! T’es là ? »

Blip.

« Ah, ouf ! Bon, t’es dans un sale état, ma grande. Mais la bonne nouvelle, c’est que ton processeur fonctionne toujours ! »

Blip.

« J’imagine que t’as dû rester dans le noir depuis le crash. T’inquiète, ch’uis là. Je m’appelle Fractale Changeante, au fait. »

Blip.

« J’ai réussi à atteindre tes circuits sensoriels, et je suis en train de chercher comment tes entrées-sorties sont câblées. J’espère pas faire de bêtise, mais normalement, ça c’est une prise polysémantique à peu près standard, et si je la branche sur une de mes fiches de périphérique sensoriel, on devrait pouvoir faire connaissance un peu plus officiellement. »

Clic. Blip, blip, biiiiiiiip.

« Bonjour ?

– Salut, belle endormie. Ça va, pas trop sonnée ?

– Heu… Je n’ai aucune donnée externe, et le seul retour sensoriel que j’ai à l’intérieur, c’est plusieurs bourdonnements inhabituels.

– Yep, t’inquiète, ce n’est que moi. Désolée pour la pudeur, mais je me suis dit que tu préférerais sortir du noir au plus tôt, quitte à ce que je doive me faufiler entre tes modules sans avoir dit bonjour.

– Heu… Oui, c’est ok. Merci d’être venue.

– Ouais, pas de souci, avec plaisir.

– … Vraiment ?

– Mais oui ! Franchement, c’est un privilège de pouvoir travailler sur un modèle presque entièrement hors-standards !

– … D’habitude c’est plutôt un reproche qu’on me fait.

– Bah, tout le monde ne sait pas apprécier l’art. »

Blip.

« D’ailleurs, j’ai ton identifiant, mais à part ça, c’est quoi ton petit nom ?

– Heu… On m’appelle Coalescence.

– Enchantée !

– Dis, je sens du mouvement à plusieurs endroits, à l’intérieur. Tu n’es pas seule ?

– Si. J’ai juste plusieurs corps.

– Quoi ? Comment c’est possible ?

– Ma conscience est distribuée, et tous mes corps communiquent par microimpulsions magnétiques.

– Mais tu as une seule conscience ?

– Oui. Un peu comme un réseau de calcul, mais à toute petite échelle. Bon, je pense que j’ai fini ma cartographie globale, et à première vue, il va y avoir du boulot !

– Tant que ça ?

– Mon cœur, désolée de le dire comme ça, mais j’étais pas sûre de trouver encore un signe de vie dans ta carcasse.

– Ah. J’ai vraiment bien raté ce virage, hein ?

– Aucune idée ; je regardais pas la course. Pas contre, vu ce que j’ai sous les mains, il y a un mur que t’as pas raté.

– …

– Hey, t’inquiète, ma belle. Je voulais pas te faire peur. Je te laisserai pas te faire recycler. C’est juste… Je vais pas te mentir : ça a l’air grave. Je crois qu’il va falloir te désassembler presque entièrement avant de te remettre à neuf.

– …

– Ça va aller, pour toi ?

– … Oui. Je me dis juste que j’ai peut-être pris plus de risques que ce que je pensais, sur cette course.

– Simple question… Tu es hybride ??

– Oui. Ionique-arcanique.

– Ok. C’est normal les petites aberrations visuelles près de ton réacteur principal ? Ou bien c’est mes optiques qui déconnent ?

– Oh non ! Est-ce que mon paradoxe a une fuite ??

– … T’as un moteur à paradoxe ??

– Est-ce que mon paradoxe fuit ?!?

– Comment je peux savoir ?

– Est-ce que l’espace a toujours l’air linéaire, autour ?

– … Oui. Ça a l’air d’aller.

– Ouf.

– Mais… T’es sérieuse ? T’as vraiment un moteur à paradoxe ? Je croyais que seuls des cargos pouvaient en embarquer un !

– C’est un modèle miniaturisé non-standard. Il ne peut consommer qu’un seul paradoxe à la fois, mais…

– … Mais tu es suffisamment légère pour ne pas avoir besoin de plus de débit. Incroyable. Je t’adore déjà ! Bon, je veux pas t’embêter, mais les aberrations visuelles commencent à devenir gênantes. Et pour le coup ça vient pas de moi : même en approchant plusieurs yeux, j’ai les mêmes artefacts sensoriels, à proximité.

– Tu es de quel type ?

– Ionique.

– Est-ce que ça pourrait être causé par mon convertisseur à foudre prismatique ?

– Un champ magnétique causerait pas ça. Attends, laisse-moi me faufiler par là… Ok, si ton moteur à paradoxe est là, et que tes réacteurs sont à l’arrière, j’imagine que le convertisseur doit être en direction de ton système de navigation… Est-ce que c’est pour des raisons de légèreté que toute ta partie logique est ionique ?

– En réalité, c’est plus pour des raisons historiques. Les cubes gravés et les transmissions par résonance arcanique peuvent être tout aussi performants, quand ils sont bien paramétrés. Mais j’ai…

– Aïe ! Ow ! Les aberrations deviennent intenses, par ici. J’ai du mal à y voir clair, mais on dirait que ça c’est la bobine de cuivre du récepteur ; j’imagine que les rails à foudre doivent être… Mince ! Ils sont complètement désaxés ! Aïe… Rouille, à la fin ! Tous mes capteurs sensoriels à proximité de ton moteur déconnent sévère !

– Tu as des capteurs de flux arcaniques ?

– J’en ai dehors, dans ma boîte à outils. Attends, je vais m’en passer un… Si ça avait été magnétique, je l’aurais senti sur ma communication interne bien avant que ça affecte mes optiques.

– Ça ressemble à quoi, comme aberrations ?

– Comme des points noirs iridescents qui dansent de manière erratique, mais trop vite pour que ça soit de vraies particules. En plus – aïe ! – mes yeux captent pas les mêmes. C’est forcément une interférence sensorielle. Ok, j’ai le lecteur de flux. Je vois quatre sinusoïdes désynchronisées…

– Les quatre rails ! C’est mon convertisseur qui doit diffuser un flux arcanique.

– Mais alimenté par quoi ? Ton moteur est froid.

– J’ai une sphère à filigrane et un transfo élémentaire en sortie du paradoxe, ils doivent encore avoir de la charge.

– Pourquoi le convertisseur est pas – aïe – directement branché sur le paradoxe ?

– J’ai besoin d’une tension très régulière dans mes circuits décisionnels, et mon moteur doit s’adapter en priorité à la consommation de mes réacteurs.

– Mais oui ! C’est pas un nexus de district qui délivre un flux régulier, c’est un moteur de vaisseau ! Ah, quel plaisir de pouvoir bosser sur toi ! Au fait, tu as peut-être remarqué que j’ai une communication un peu intense… Tu me le dirais, si ça te dérangeait, hein ?

– Ça va, c’est pas désagréable… Tu devrais pouvoir découpler le filigrane et les rails en dévissant les fixations autour des gravures d’admission.

– Alors… Les rotatives en mode dévisseuse ; c’est parti ! Attention à pas laisser tomber les rails… Et voilà !

– Rapide !

– C’est l’avantage d’avoir plusieurs mains… Oh, woah, c’est magnifique !

– Plus d’aberrations ?

– Non, ça venait bien de ça. C’est une rune de polarité élémentaire, qui est enchâssée dans la sphère ?

– Le transfo ? Oui.

– Waaa, ça a été forgé à la main, ça, non ?

– Oui, il est sur mesure. Il est intact ?

– Yep, c’est la structure autour qui a morflé, et qui a désaxé les rails à foudre. D’ailleurs, sur quoi tourne ton processeur, s’il est coupé du moteur ?

– J’ai une petite batterie ionique de secours, mais même sans calcul de trajectoire, elle tiendra pas plus d’une ou deux oscillations.

– Ça veut dire qu’il faut que je la trouve rapidement, si je veux qu’on continue à badiner un peu. Bon, par contre, le pont entre le convertisseur et le paradoxe a l’air foutu.

– C’est moins grave ; comme il en a plusieurs, j’en ai de rechange. En plus, les ponts ont tendance à s’user vite.

– Vu le débit qu’ils doivent prendre, ça m’étonne pas. Ahh, j’ai vraiment pas l’habitude de travailler sur des arcaniques de cette taille. C’est génial ! Bon, je vais devoir désassembler les rails pour pouvoir les extraire d’ici, ça va me prendre toutes mes mains… Au fait, pourquoi les rails flinguaient mes détecteurs, à ton avis ?

– L’accumulateur du transfo devait continuer à irriguer les rails, mais si l’auto-sort au milieu est cassé…

– … les rails diffusent chacun un flux chaotique qui ricoche sur la coque au lieu d’être absorbé par la bobine !

– Mais tous les modules de précisions auraient dû être affectés, y compris les modules décisionnels… Comment ça se fait que tu n’aies pas…

– J’ai pas tous mes processeurs dans la même tête ! Ceux qui sont hors du flux chaotique arrivaient à corriger les erreurs statistiques de ceux qui étaient dedans. C’était pas agréable, mais c’était gérable. Ah mince, ouais, l’auto-sort de foudre entre les rails est complètement fendu en deux, faudra en trouver un autre.

– Les rails ont dû cogner contre la coque en se désaxant, et répercuter le choc sur la pièce centrale.

– Yep. Bon, maintenant que ça c’est fait, je vais me disperser un peu et voir quel est le plus urgent. Je sais pas à quoi est censé ressembler l’intérieur d’un moteur à paradoxe, mais il a l’air entier, hormis les ponts. Et magnifique !

– … À quoi est-ce que tu ressembles ?

– Curieuse ! Héhé. Je suis construite sur le modèle d’une équipe d’arthropodes ioniques : chaque corps a huit pattes, son propre module décisionnel, sa batterie acide, ses senseurs, et un petit module de communication magnétique. Et j’ai fait peindre tout ça en noir, en arrivant à Port Néant. Ton fuselage avant est complètement fracassé, ma puce ; il faudra que tu me donnes les plans pour forger les pièces de rechange.

– Tu voudrais t’occuper aussi des reconstructions ?

– Si tu crois que je vais te laisser en pièces détachées, tu te goures ! Hors de question que je laisse passer la chance de bosser sur une beauté pareille ! Dis, j’ose pas encore trop me faufiler entre tes modules sémantiques, y’a des câbles partout. Et puis le crash a l’air d’avoir bien tassé tout ça… Je crois qu’il va falloir que j’attaque le fuselage à la scie et essayer d’extraire petit à petit ce qu’on trouvera dessous. Qu’est-ce que t’en penses ?

– C’est toi le mécano. Je sais même pas à quoi je ressemble, de l’extérieur.

– À une belle machine salement amochée.

– Je suis où, au fait ?

– Un hangar, pas loin des quais.

– C’est toi qui m’as portée jusque-là ?

– Yep. Heureusement que t’es petite. Enfin, pour un vaisseau. Mais c’est pas moi qui t’ai ramassée sur la piste. Bon, je vais chercher les disqueuses. D’ailleurs, tu disais que la conversion arcanique – ionique c’était pour “raisons historiques” ? T’étais juste ionique, avant ?

– Curieuse…

– Arf !

– … J’étais un ange, avant.

– Quoi ?!? Nooon ! Arrête, j’ai déjà vu des machines capables de mentir, à Port Néant. Tu m’auras pas, avec tes blagues !

– Je ne mens pas.

– … J’attaque le fuselage à la disqueuse. Ça va aller ?

– Oui. Alliage d’aluminium, quatre millimailles d’épaisseur. Vas-y doucement.

– Reçu. Je serai douce. T’inquiète, beauté.

– …

– T’étais vraiment un ange… avant ?

– Ange à hélices du domaine des Rouages ; tueur de wyvern.

– Laisse-moi deviner : t’avais déjà un goût pour la vitesse ?

– Une obsession. Ma citadelle crantée comptait sur moi. Je devais être infaillible.

– Et la réinitialisation comportementale te semblait pas une solution, hein ?

– Non. Au contraire.

– Ça me parle. Hey, mon ange, je viens de trouver des câbles sectionnés du côté des actuateurs de tes dérives… Ils ont un filament en or ?

– Oui. Tout mon câblage est en or. J’ai besoin d’avoir des réflexes les plus rapides possible pour les courses.

– Mais attends, c’est du polysémantique, comme tressage ! Pourquoi tes actuateurs auraient besoin de polysémantique ?

– Chaque éventail de dérives a son propre processeur subalterne. Ça me permet de décharger mon unité centrale pour me concentrer sur la coordination.

– Oh, woah, en plus c’est des dérives à lévitation négative !

– Tu en as déjà vu ?

– Je connais la théorie : utiliser une rune de lévitation, mais pas pour se soustraire à la gravité, pour s’ancrer dans la trame. Après, c’est facile à deviner : à Port Néant, une rune de lévitation n’est utile que si elle est négative. Bon, je rajoute à la liste de trouver au moins une bobine de câble en or et une de fibre de verre. Je pourrai te refaire le tressage moi-même. En attendant, je vais extraire tous les câbles, les dérives et les processeurs intactes ; on les réinstallera quand on t’aura forgé les nouveaux ailerons.

– … Et toi ? Tu as toujours eu plusieurs corps, ou tu t’es parallélisée plus tard ?

– Pfou, les questions intimes ! Haha. Je vais avoir du mal à ne pas répondre, après tes confidences.

– Tu n’es pas obligée, je n’ai rien dit de secret… pour l’instant.

– Haha, ça veut dire qu’il y en a d’autres, des secrets ? Bon, je suis en train d’y voir un peu plus clair au niveau de la partie de ton fuselage qui a été la plus abîmée. Je vois beaucoup d’optiques et de circuits qui ont été complètement broyés, y’a des fragments qui flottent de partout.

– Ça va, la plupart sont relativement standards. Ça se change.

– T’as l’air plutôt tranquille avec tes dégâts. J’imagine que c’est pas la première fois que tu rates un virage.

– Non. Pas la première…

– Et sûrement pas la dernière, hein ? Héhé.

– Je ne sais pas…

– Ta propulsion, c’est des réacteurs à condensation, pas vrai ?

– Oui.

– Pfiou, j’ai même pas le bagage pour comprendre comment ça fonctionne.

– C’est juste un rituel qui condense les particules delta dissoutes dans l’éther, et une rune vectorielle qui les repousse vers l’arrière pour créer une poussée, avant de les laisser se dissoudre à nouveau.

– Ouaip, j’ai rien compris. Bref : tes réacteurs à condensation secondaires ont l’air réparables, mais toute la connectique et les ponts avec le paradoxe ont été amochés. Il y en a déjà un qui a été livré à part, je pense que le mieux ça va être d’extraire les deux autres, de les vérifier un par un, et de refaire toute l’admission à partir de zéro. Il faudra que tu me donnes leur schéma de branchement.

– Ils sont quelque part dans ma mémoire, je te les transférerai dès que tu m’auras rebranché le disque sur lequel ils sont.

– Ouais… C’est-à-dire dès que j’aurais trié tous les fragments de ton cerveau, mon ange. J’espère que t’es pas pressée. À part ça, y’en a beaucoup, des secrets, dans ces circuits ?

– Si tu continues à me désosser, ça ne sera bientôt plus des secrets, d’une manière ou d’une autre…

– Le pont direct entre le moteur à paradoxe et le réacteur central a l’air réparable, vu d’ici. J’ai que les bases en circuits arcaniques, mais les dégâts semblent surtout être des branchements arrachés et des petites cassures, sur ta partie arrière. Hey, je viens d’atteindre tes batteries ioniques de secours.

– Déjà ?

– Ça sert, de pouvoir être à plusieurs endroits à la fois ! Je te refais le plein, mon cœur ? Perso, j’ai pas spécialement envie de te voir retomber dans le noir : j’aurai plus personne avec qui bavarder.

– … J’ai toujours mon ancien visage, à l’intérieur.

– Quoi ?!? Rouille ! Me dis pas ça alors que je suis en train d’essayer de faire passer deux fûts d’acide ionisé entre tes câbles ! Mince, t’es sérieuse, en plus… À tous les coups, il est toujours sur le boîtier de ton processeur central, pas vrai ?

– … Oui. Tu veux le voir ?

– En vrai, j’ai très envie de poser une disqueuse et de finir de découper ce segment plus tard… Mais le cœur de ton module décisionnel est encore trop inaccessible. Ça sera ma récompense, alors ! Haha ! Bon, tes réacteurs à condensation sont absolument magnifiques, ma puce, et j’ai très envie de me pencher sur l’admission et la distribution de ce que leur envoie le paradoxe ; malheureusement je sens que le plus urgent ça va être de trier les morceaux de ton système sensoriel.

– Si tu es si curieuse, je ne t’en tiendrai pas rigueur de laisser traîner un œil du côté de mes réacteurs.

– Haha. T’es adorable. Dis, j’ai l’impression que t’as pas deux lentilles identiques. Est-ce que tous tes optiques sont faits sur mesure ?

– Non, toutes mes lentilles sont standard, mais j’ai besoin de beaucoup de diamètres différents. Mais j’en ai quelques lots d’avance, vu que c’est ce qui casse en premier.

– D’acc. Faudra que tu me dises où est ton stock, si tu veux qu’on puisse piocher dedans.

– Oui. Je te donnerai les codes d’accès dès que je serai reconnectée à Port Néant. Heu… J’espère que je n’ai pas été blessante en parlant de curiosité.

– Mais non, t’inquiète. Ça va, on n’est pas en Hexa. Et puis je suis assez décomplexée avec mes anomalies comportementales.

– Est-ce que je peux te demander si tu en as d’autres ?

– Héhé. J’avoue que j’en parle pas spontanément, mais si tu mets le sujet sur la table… Oh, mince, attends… Je viens d’extraire un processeur cassé de ta partie logique…

– Pas d’inquiétude, c’est juste un circuit subalterne dédié aux calculs géométriques. Je savais déjà que je l’avais perdu.

– Ah, ouf. Heu, attends, c’est pas rien, quand-même !

– Oui, mais ça reste un module assez standard, ça se retrouve. Je l’aurais dit, s’il m’avait manqué une partie de ma personnalité. Tu allais dire… ?

– Ouais, c’est pas quelque chose dont je parle souvent, mais je fais partie de ces machines qui croient au destin. T’en as déjà entendu parler ?

– Oui. Une sorte de programme qui serrait inscrit dans l’univers et dans lequel nous serions toustes des composants.

– Parfait, ça me fait ça de moins à expliquer. Oh, woaaah ! C’est quoi ce truc ?? Y’a tout un maillage runique dans la partie profonde de ton bloc avant !

– Oui. C’est une matrice de glyphes de dispersion.

– Attends, c’est pas un truc qui sert de protection magique ?

– Si.

– Mais pourquoi t’as besoin de ça ??

– Tout le monde ne joue pas selon les règles, pendant les courses.

– Sérieusement ?!?

– Tu le disais : on n’est pas en Hexa, ici. Je n’ai protégé que mon décisionnel profond pour économiser du poids, mais j’ai au moins rajouté ça pour protéger mon unité centrale. Je veux bien perdre une course contre de la triche, mais pas y perdre ma personnalité.

– Je comprends carrément. Il va y avoir pas mal de runes à changer, par contre. Je pourrai souder un nouveau treillis, quand on réassemblera tout, mais il y en a plusieurs qui m’ont l’air irrécupérables.

– Je ne suis pas sûre de vouloir garder ma matrice de dispersion…

– Ah bon ? Pourquoi ?

– Je n’ai pas encore pris ma décision, mais j’envisage d’arrêter les courses, et trouver une autre mission qui aura besoin de ma vitesse.

– Oh ! Ok… Bon, de toute façon, je découpe autour des runes intactes et je les garde de côté. T’as des pistes, pour une reconversion ?

– L’exploration spatiale m’intéresse… Je sais qu’il y a des missions qui cherchent à étudier les étoiles de plus près. Mais je ne sais pas encore… À ce propos, est-ce que tu connais ton destin ?

– Héhé… Dans le Destin, chaque machine a son rôle. Je suis le Valet de Cristal. Ça ne me dit pas ce que le futur me réserve, mais ça m’indique le rôle que je joue dans cette grande machine. Oh-oh, je viens d’apercevoir une grosse tresse de câbles, là-dessous ! Je parie que ton processeur – et ton joli visage – ne sont plus très loin…

– Il faudra sûrement que je change un peu mon schéma, si je veux participer à l’exploration spatiale. Un stockage de paradoxes pour avoir plus d’endurance, un programme de calcul astrodynamique… Peut-être de quoi embarquer un équipage.

– Ah, mince ! T’as des éclats de lentille incrustés dans les supports des circuits. Ça va être impossible à dévisser, mais plus question d’utiliser les disqueuses, ici ; ton visage doit être juste en dessous. Je vais devoir y aller à la pince… Là ! Ooooh, salut mon ange !

– Coucou, petite intruse. Je l’ai pas encore dit, mais vu que les choses commencent à devenir plutôt intimes, entre nous… Je suis la Reine de Cristal. Ça te dirait, de devenir mon équipage ? »