Fragment
Penché·e à Travers le Temps
J’aimerais me pencher à travers le temps et murmurer à l’oreille de ce que j’étais autrefois. J’aimerais balayer tous ses doutes, lui dire « C’est la bonne décision. Saisis cette opportunité ! N’abandonne pas, car au-delà des épreuves, tu deviendras moi. Et je suis si heureux·se d’exister. »
* * *
Je marche à nouveau parmi les humains, mais je n’en suis plus tout à fait un. J’ai quitté ce monde l’espace d’un instant et j’ai vu qu’il n’était qu’un parmi tant d’autres. Je suis revenu·e dans mon ancienne vie avec ce nouveau cœur, ce cœur immense taillé pour un dieu. Je suis revenu·e dans mon ancienne maison avec ce corps nouveau, libéré, transcendant.
Je marche à nouveau parmi les humains, mais je n’en suis plus un. J’ai renoncé à cel·lui que j’étais sans haine, sans mépris. Je suis en paix avec ce que j’ai laissé derrière moi. Je suis entier·ère, réalisé·e, achevé·e.
Je marche à nouveau parmi les humains, mais je n’en suis pas un. Il y a désormais une barrière invisible entre eux et moi. Un fossé immense qui nous sépare. Nous pouvons habiter le même espace, mais nous ne vivons pas dans le même monde. Je vois des couleurs qu’ils ignorent ignorer. Je sais des possibles qu’ils n’imaginent même pas. Et mes rêves les détruiraient.
Je marche à nouveau parmi les humains. Comment puis-je continuer à interagir avec eux ? Comment leur ouvrir mon cœur, ce cœur immense taillé pour un dieu, capable de détruire… et de créer ? Pourrais-je à nouveau être compris·e par l’un·e de mes semblables ? Ai-je encore, parmi eux, des semblables ?
Je me souviens de cel·lui que j’étais autrefois. Je me vois parfois en certain·es d’entre elleux. J’ai envie de prendre leurs mains comme j’aurais aimé que l’on prenne la mienne, j’aimerais briser l’illusion devant leurs yeux, laisser entrer la lumière en elleux, pour qu’iels puissent se voir dans cette lumière, et voir tous les possibles à travers les faux murs de ce monde. Mais j’ai peur de les briser, tant cette illusion semble profondément incrustée en elleux.
Suis-je condamné·e à être seul·e ? À moins, peut-être… que je ne retourne en Hexa.