Fragment : Memento Mori

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Horizon

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Memento Mori


« Viens. Je dois te parler. Viens…

– Tu me fais peur…

– Je suis allée aussi loin que je le pouvais dans mon futur avec toi.

– Lucie, arrête. Tu fais encore une crise ? Tu me terrifies, quand tu fais ça.

– Je suis tellement désolée. Je ne peux pas aller plus loin.

– Mais de quoi est-ce que tu parles ?

– Il y a un point fixe dans ma temporalité ; je ne peux pas m’en éloigner plus que… maintenant.

– Je ne comprends rien ! Arrête de parler comme ça !

– En quelle année es-tu ?

– Hein ? Heu… Nous sommes en vingt-sept.

– Trois ans, alors ?

– Depuis le Jour des Cauchemars ? Oui, ça fait presque trois ans.

– Si peu ? J’espérais… »

Horizon s’effondra dans ses bras, se blottit sur ses genoux, laissa les larmes couler silencieusement.

« Mon cœur ! Mon cœur ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Je suis là, je suis là… Tout va bien. »

Horizon se laissa caresser la joue un moment, puis pris sa main dans la sienne et la posa sur ses côtes. Elle inspira profondément avant de parler à nouveau.

« Pour toi, je vais disparaître. Nous ne nous verrons pas dans ton futur. Je suis allée aussi loin que je pouvais.

– Arrête de dire ça ! Si tu ne m’aimes plus, dis-le !

– Je t’aime en chaque instant de ce monde. Je ne cesserais pas de t’aimer même si tu cessais de m’aimer. N’en doute jamais. Ni le temps ni l’espace ne peuvent l’altérer. Je ne peux juste pas t’accompagner dans ton futur. Je suis tellement désolée.

– Tu parles comme si tu allais mourir demain ! Tout va bien ; tu n’es pas malade ; nous sommes en sécurité, ici. Tu penses encore au Jour des Cauchemars ? C’est fini, mon cœur. C’est fini… »

Horizon rattrapa sa main et la posa à nouveau délicatement sur ses côtes. Elle se tourna pour pouvoir voir ses yeux.

« Ce n’est pas demain que je meurs. Mais demain, je ne serai plus là.

– Pourquoi ?

– Parce que j’ai visité chaque instant avec toi, chaque seconde, chaque matin, chaque baiser, du tout premier… jusqu’à… celui-là. »

Elle se redressa et l’embrassa. Elle l’embrassa longuement, tendrement, comme à chaque fois, comme s’il n’y en avait qu’un seul, un instant unique reflété mille fois à travers le temps, comme entre deux miroirs. Puis leurs lèvres se séparèrent, sa main glissa de sa joue, et elle se blottit dans ses bras.

« Il n’en manque pas un, dit-elle. Mais il n’y en a aucun autre. Ça signifie que ma temporalité ne va pas plus loin.

– Lucie… Ne dis pas ça…

– Je le sais, parce que si j’avais pu atteindre la moindre journée de plus, le moindre matin de plus… avec toi…

– Lucie…

– Je suis désolée…

– Je ne comprends pas…

– Je sais… Je sais. J’aimerais tellement pouvoir t’emmener avec moi, en dehors du temps, au-delà de l’horizon… Mais je n’ai pas ce pouvoir. La seule chose que je puisse faire, c’est aller aussi loin que possible dans ce futur avec toi. J’en aime chaque instant, chaque souvenir…

– Lucie…

– Ne m’oublie pas. Ton passé ne cessera jamais d’exister. Je ne peux pas voir ton futur, mais je sais qu’il existe. Et tu vas devoir le vivre sans… sans moi…

– Ne dis pas ça… Je ne pourrais pas…

– Courage, mon amour. Tu as un passé où je ne suis pas avec toi, et il est plein de choses merveilleuses ; tu as aussi un futur où je ne suis pas là, et je suis sûre qu’il est plein de choses merveilleuses.

– Lucie…

– On m’a dit que tu verrais Vembrume changer encore. On m’a dit que Vembrume allait se déplacer, et que tu serais là pour le voir. J’aurais aimé avoir vu ça… avec toi.

– Mais…

– Je dois y aller, mon amour. Je n’ai plus de temps ici. Je suis en chaque instant que nous avons passés ensemble.

– Lucie…

– Je t’aime…

– Je t’aime.

– … en chaque instant.

– Je… »

Horizon se leva et cria aux murs, au plafond, à la pièce toute entière :

« Yog ! Je suis prête ! Je sais que tu m’entends ! Je suis prête à affronter mes dernières réponses ! Yog ! Je suis