Accueil > Non-Fiction > Pas Mon Genre > Ni Binaire Ni Indécis·e
J’ai récemment été exposé·e à l’idée qu’une personne genderfluid était juste indécise. J’ai récemment été exposé·e à l’idée qu’une personne qui cherchait à sortir de son genre d’assignation sans vouloir tomber dans « l’autre » genre était « en recherche de soi ».
Ces visions des choses naissent de la binarité. Les personnes qui n’ont pas encore renoncé à cette vision du monde arrivent à tordre un peu leurs règles pour y faire coller ce qu’elles rencontrent. Selon ces personnes, tout ce qui est « au milieu » est juste « en transition » ou « en recherche ». C’est comme si, pour que cette représentation mentale tienne debout, on tolérait ce qui est au milieu en considérant que c’est temporaire. « C’est ok d’être indécis, mais faudrait pas que ça dure trop longtemps. »
C’est vrai, il y a des personnes qui sont indécises, qui se cherchent, qui s’autorisent tranquillement à sortir de leur genre d’assignation, et qui finissent par se trouver, parfois dans la transition définitive, parfois en revenant vers leur genre d’assignation. Mais il y a aussi des personnes qui ont l’air d’être au même « endroit », mais qui ont déjà trouvé.
On entend par « non-binaire » tout ce qui refuse la vision selon laquelle le genre est binaire, c’est-à-dire où une personne est soit “homme” soit “femme”, et seulement l’un ou l’autre à un moment donné. Il existe des personnes qui ont fait une transition (ou qui sont en train) d’un genre binaire à l’autre, et ça rentre dans le modèle traditionnel.
Mais il existe beaucoup de choses qui ne rentrent pas dans ce modèle. Une vision du monde non-binaire accepte ce qui n’est pas seulement l’un ou l’autre. Une expression de genre androgyne emprunte aux deux à la fois. Une personne a-genre ne se sent ni l’un ni l’autre. Une personne genderfluid navigue entre les deux et parfois en dehors.
Être non-binaire, c’est accepter qu’il existe des choses qui échappent à ce modèle traditionnel, simpliste et réducteur. Il n’y a même pas besoin d’être queer pour être non-binaire ; tous ceux qui acceptent de renoncer à cette vision du monde, même en étant eux-mêmes cis, sont non-binaires, quelque part. Être non-binaire, c’est accepter qu’il y ait des personnes qui soient entre les deux sans être indécises.
Je ne suis pas en hésitation. Je ne suis pas en train de me demander si je me sens plutôt homme ou plutôt femme. Je ne suis pas en train de faire des aller-retours entre les deux pour voir ce qui me convient le mieux. Les deux me conviennent. L’un puis l’autre, les deux en même temps, et même parfois aucun. Est-ce que quelqu’un trouve que j’hésite lorsque je rends visite à mon père ou à ma mère ? Est-ce que je suis en introspection existentielle si je passe des vacances à la mer et les suivantes à la montagne ? Est-ce que c’est de la paralysie décisionnelle de finalement passer ses vacances à la maison ?
Non, non et non. J’aime voyager, j’aime changer, j’aime varier. J’aime quitter pour revenir. J’apprécie un peu de rien de temps en temps et tout mélanger de temps à autre. Je ne suis pas en train de goûter ci et ça du bout des lèvres pour savoir ce qui me plaît le plus. (Certains diraient que je mange à tous les râteliers ; et pourquoi pas ? C’est plutôt chouette, en fait !) J’aime le salé et le sucré et je ne vois pas pourquoi je devrais « choisir ». J’ai déjà choisi : je prends les deux, je prends tout, et j’adore ça !
Tolérer ce que je suis en imaginant que je suis en recherche ne me va pas. Je tiens à ce que tout le monde comprenne bien que j’ai déjà trouvé. Je n’hésite pas entre les deux : je choisis les deux !
Je me dois de finir en rappelant que ceci est mon expérience personnelle. Je ne nie l’existence de personne. Il y en a qui transitionnent et qui ne veulent plus jamais subir leur genre d’origine : c’est ok d’être binaire (tant qu’on accepte ceux qui ne le sont pas). Il y en a qui sont entre les deux mais qui hésitent vraiment ; c’est ok, prenez tout le temps qu’il vous faudra (et sachez que vous n’êtes pas obligés de choisir). À celles et ceux qui ont déjà trouvé ou qui n’ont pas l’intention de bouger : ne mettez pas la pression à cell·eux qui hésitent, et arrêtez de croire que tout ce qui est au milieu est forcément en hésitation.
Regardez : moi, j’ai trouvé. Et je suis tellement heureux·se.