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Réécriture lesbienne de la chanson « Jolene », de Dolly Parton.
RéécritureJolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my hand Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take it just because you can Your beauty is beyond compare With flaming locks of auburn hair With ivory skin and eyes of emerald green Your smile is like a breath of spring Your voice is soft like summer rain My heart cannot forget of you Jolene It talks about you in my sleep And there's nothing I can do to keep From crying when it calls your name Jolene And I can easily understand How you could easily take my hand But you don't know what that means to me Jolene Jolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my hand Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take it just because you can You could have your choice of hand But I could never love again You'll be the only one for me Jolene I had to have this talk with you My happiness depends on you And whatever you decide to do Jolene Jolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my hand Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take it even though you can Jolene, Jolene |
Paroles OriginalesJolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my man Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take him just because you can Your beauty is beyond compare With flaming locks of auburn hair With ivory skin and eyes of emerald green Your smile is like a breath of spring Your voice is soft like summer rain And I cannot compete with you Jolene He talks about you in his sleep And there's nothing I can do to keep From crying when he calls your name Jolene And I can easily understand How you could easily take my man But you don't know what he means to me Jolene Jolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my man Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take him just because you can You could have your choice of men But I could never love again He's the only one for me Jolene I had to have this talk with you My happiness depends on you And whatever you decide to do Jolene Jolene, Jolene, Jolene, Jolene I'm begging of you please don't take my man Jolene, Jolene, Jolene, Jolene Please don't take him even though you can Jolene, Jolene |
Originellement, c’est l’histoire d’une femme qui s’adresse à une autre femme pour la supplier de ne pas séduire son homme. Ai-je besoin d’expliciter tout ce qui ne va pas là-dedans ? Peut-être pas, mais je vais le faire quand-même.
Le premier problème est que la faute potentielle est portée sur la séductrice, et pas sur l’homme qui trahirait. Le personnage de la femme "légitime" devrait à mon sens s’adresser à son amour pour lui dire « je me sentirais abandonnée si tu te laissais séduire par une autre » plutôt qu’à Jolene. « My hapinesse depends on you » : non, ton bonheur dépend de la fidélité de ton amoureux, pas de ce que Jolene fera.
Ensuite, dans la simple phrase « don’t take my man », il y a les notions de possession et de prendre. C’est à la fois considérer qu’une personne puisse appartenir à quelqu’un et qu’elle puisse n’appartenir qu’à une seule personne à la fois. Il n’y a pas de « mon homme » qui tienne, et la solution polyamoureuse est toujours une option. Mais pour une fois que c’est un homme qui est objectivé et pas une femme, je ne vais pas appuyer trop lourdement là-dessus.
Enfin, et même si c’est assez ténu, je trouve ça désagréable de voir un homme comme une chose sans volonté propre qui sera forcément séduit (bon, vu la description de Jolene, on peut nuancer ce point) et dont la fidélité ne dépend que des tentations ou absence de tentations, pas de son sens moral ou de sa responsabilité émotionnelle. Mais une fois de plus, pour une fois que c’est un homme qui est déconsidéré, je ne veux pas m’appesantir. Le nombre d’œuvres qui représentent des femmes sous un angle encore moins flatteur sont légions.
Pour cette réécriture, j’ai voulu garder le rythme et les rimes autant intactes que possible. J’aurais aimé remplacer « don’t take my man » par « don’t take my heart », mais j’ai préféré le mot « hand » qui reste une métaphore d’une relation amoureuse et reste très proche de la prononciation de « man » : le personnage féminin s’adresse à Jolene pour lui avouer son amour et lui demander de ne pas être inconséquente avec ses sentiments. « Don’t take it just because you can » : prends ma main / mon cœur par amour, pas par simple jeu.
La description qui est faite de Jolene, originellement pour expliquer la tentation que subit le personnage masculin, était particulièrement tentante (et facile !) à transformer en admiration de la part de l’énonciatrice (d’autres l’ont déjà fait à travers Internet). Cependant, ces deux strophes de description se terminent sur le mot « compétition », un autre problème de la version originale. À ce propos, j’ai choisi la formulation « forget of you » pour garder « cannot » intact et rester dans le bon nombre de pieds. Il n’est pas certain que cette formulation soit correcte (je pense qu’il s’agit soit d’une erreur courante soit d’une forme désuète), mais je ne la trouve pas trop saillante à côté de « begging of you ». Que les experts en anglais me jettent la première pierre. Pouvoir placer le mot « heart » ici était également ce qui m’a permis de changer « man » en « hand » au lieu de « heart » pour pouvoir enchaîner ensuite sur « it talks about you in my dream » (« il / mon coeur me parle de toi dans mon sommeil », plutôt que « mon homme parle de toi dans son sommeil »).
La ligne « But you don't know what that means to me » aurait dû être au conditionnel (« what that would mean to me »), puisqu’on parle d’une relation potentielle, contrairement à la version originale, où la relation entre l’énonciatrice et le personnage masculin est actée. Mais une fois de plus la mélodie contraint le texte. On peut lire la nouvelle phrase au présent comme « ce que cette pensée représente pour moi » au lieu de « ce que cette relation potentielle représenterait pour moi ». D’ailleurs, comme dans cette réécriture « it » fait référence à ce geste de « prendre la main », dire « tu ne sais pas ce que ça représenterait pour moi » vient élégamment s’ajuster avec l’apparente inconséquence d’un tel geste. L’invisibilité des relations lesbiennes est un très vaste sujet que je ne me sens ni le courage ni la légitimité d’aborder pleinement.
« You’ll be the only one for me » est probablement la plus grosse torsion du sens original dans toute cette réécriture. Elle transforme une relation de dépendance émotionnelle d’une femme à un homme en promesse d’amour séphique. Je trouve toujours ça dommage qu’une relation amoureuse ne puisse être perçue que comme unique et exclusive, mais je ne suis bien malgré moi pas insensible à cette idée d’un amour absolu et éternel.
L’avant-dernière strophe est particulièrement magique : il n’y a plus rien à changer. « This talk with you » n’est plus une supplique issue de la jalousie et de l’insécurité, mais une déclaration d’amour, et le bonheur ne dépend plus de séduction ni de trahison, mais de réciprocité de ce sentiment.
La dernière ligne « please don’t take it / him even though you can » est dans la version originale un aveu d’impuissance face au pouvoir de séduction de Jolene, ce qui termine la chanson sur une note particulièrement pessimiste, mais se transforme ici en une chose finalement positive. Cette version réécrite répète de bout en bout le refus de cette relation potentielle « DON’T take my hand », mais termine par cet aveu : « en réalité, tu pourrais prendre ma main, si cet amour est réciproque ».