Compliment

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Dans le train, quelqu’un me croise et dit « j’aime beaucoup votre maquillage ». Une petite femme avec un grand sourire. D’habitude j’aime pas trop ça, mais là ça m’a fait très plaisir. Qu’est-ce qui fait que certaines interactions de ce type soient parfaitement ok, et pas d’autres ? Qu’est-ce qui, moi, me met mal à l’aise ? Que faire lorsque c’est moi qui croise quelqu’un à qui j’aimerais glisser un compliment et que je n’ose pas… peut-être à raison ?

Réflexion en cours,
débat ouvert.

Quand

Fondamentalement, je trouve que le côté “opportunité” est acceptable. C’est beaucoup plus gênant lorsque quelqu’un se déplace spécifiquement (ou pire, s’assoit à côté). C’est pas du tout la même dynamique si je croise ou m’assied à côté de quelqu’un, qui profite de cette opportunité pour me glisser un compliment. J’ai remarqué aussi que j’osais beaucoup moins (c’est-à-dire encore moins que pas du tout ^^) adresser la parole à une personne qui va dans la même direction que moi, ou qui va rester à côté de moi pendant un certain temps : je trouve que c’est beaucoup plus tranquillisant lorsque l’interaction ne peut être que passagère. Lorsque je reçois un compliment dans un contexte “non-passager”, il y a un côté amorce de discussion qui me met très mal à l’aise, même s’il n’est que potentiel et que la personne en face ne compte pas créer un dialogue.

Qui

Ça dépend aussi beaucoup de la personne dont il s’agit. Les vecteurs d’oppression induisent des asymétries sociales. Par exemple, venant d’un homme envers une femme, la séduction potentielle peut mettre mal à l’aise. Peut-être qu’une personne ostensiblement plus riche qu’une autre pourrait paraître condescendante. Peut-être que je ne me sentirais pas confortable de faire un compliment à une personne non-blanche (quoi que, si nous sommes toustes les deux visiblement queer, par exemple ; des similarités peuvent peut-être gommer certaines inégalités).

Quoi

Il y a aussi quel compliment est fait. Toute remarque négative, ambiguë ou excessivement positive est évidemment malaisante, vis-à-vis d’un·e inconnu·e. « J’aime beaucoup / j’adore » me semblent acceptables. J’aime pas du tout le mot « original », dans ce contexte, parce qu’il peut facilement être ambigu, surtout venant d’une personne habillée de manière très (voire trop) classique (aggravé par la violence de classe). Je trouve aussi que les remarques plus spécifiques sont plus facilement acceptables : « j’adore votre maquillage », « il est très joli, ce collier », « votre manteau est super », etc. À l’inverse, un compliment global peut plus souvent mettre mal à l’aise, et plus facilement passer pour un jugement. Mais c’est peut-être juste moi. En tout cas ça ne me semble pas intrinsèquement rédhibitoire. Mais j’avoue que je déteste qu’on me parle de mon « style », peut-être en partie parce que je ne suis aucune mode ni aucun modèle (en tout cas aucun en particulier, au-delà des inspirations multiples).

Tant que j’y suis, les questions qui suivent un compliment sont très désagréables, en particulier les questions qui portent une suggestion. « J’adore votre style. C’est gothique, c’est ça ? » Ça, ça me fait hurler intérieurement.

Tangentes

J’allonge la tangente : croiser quelqu’un dans la rue n’est PAS l’occasion de satisfaire sa curiosité sur la mode, le genre ou la sexualité ! C’est pas du tout la même chose que de rencontrer un·e ami·e d’ami·e et dire : « Est-ce que c’est ok si je te pose quelques questions ? J’ai peur d’être maladroit·e. » (Et d’accepter gracieusement une réponse négative, évidemment.)

Une dernière note sur le tutoiement : à éviter. J’ai l’impression que ce ne serait acceptable qu’en cas de parfaite équité d’oppression. La moindre différence de genre, de style, d’ethnie, d’âge, etc, me semble rédhibitoire.