Micro Fragments

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Ces micro-fragments ont été écrits lors d’un atelier d’écriture, le 16 octobre 2025.

Azaroth me Manque

Azaroth me manque.

Mes sabots sont las de l'herbe qui empêtre et des feuilles qui suivent et des insectes qui insistent.

Mes sabots se languissent de fouler une cendre épaisse et douce, de s'enfoncer dans la tiédeur du duvet qui caresse ma terre natale.

Mes sabots sont blessés de ces pierres rondes et traitres qui roulent et cassent. Mes chevilles rêvent de frapper à nouveau une roche franche et dure, de courir sur les chaos de basalte de mon village, de sentir l'étincelle qui jaillit de mes fers sur les parvis et les routes. Je rêve d'une roche sous mes pas qui rende les coups, qui claque net et ne se laisse ni briser ni déloger par ma fougue ; je rêve de la terre sèche d’Azaroth, j'aurais aimé en trouver encore un peu entre mes sabots, sous la glaise collante de ce monde que je hais.

Explorez Azaroth.

Port-Néant Respire

Port-Néant respire.

Un vaisseau cargo s'arrime ; les pinces magnétiques chantent et claquent, le berceau qui l'accueille gémit et soupire. Les réacteurs se taisent et cessent d'écraser la rumeur du port.

La lumière crue des docks s'infiltre dans les entrailles intimes du vaisseau, chasse l'ombre douce de ses baies qui s'ouvrent. Les reprogrammables se saisissent de ses conteneurs ; leurs mains métalliques agrippent les boîtes, les caisses, les angles et les barres de la cargaison encore tièdes, porteuses de la chaleur résiduelle de l'effort de leur longue traversée. Le vaisseau perçoit les effluves de la station : Port-Néant sent le fer blanc et le cuivre ; des relents d'ozone discrets montent de ses convertisseurs tout proches ; les particules arrachées à son revêtement par la lueur des étoiles s'infiltre dans le port, à la suite du vaisseau cargo, apportant la fragrance si étrange du vide extérieur en dedans.

Explorez La Diaspora Mécanique.

Pitié revient à la maison

Pitié revient à la maison.

Non. Non-non-non. Ça ne va pas du tout.

Pitié, c'était quelqu'un. Pitié, ce n'est plus rien. En tout cas, plus quelqu'un. Pitié, c'est quelque chose qui marche, parfois qui parle ; c'est quelque chose qui vit dans une maison – enfin dans une cabane, en haut d'une colline – enfin d'un tas, un tas de gravats, d'excavats, de terre et de cailloux, que l'herbe peine à se rapproprier. Ce tas est vraiment plein de tout, de trucs, de bouts ; il y a des vieilles pierres rondes et brunes qui auraient clairement préféré rester six pieds sous terre, des bouts de ciment dont les os rouillés saillent de leur chair, des morceaux de fer et de verre, des vieilles briques rouges et des tessons pêle-mêle, des vestiges antiques qui côtoient des vestiges récents, un passé lointain mélangé à une violence fraîche, l'Histoire avec un grand H malmenée, confuse, embrouillée… Cette colline, ce tas, c'est une vieille prof d'histoire bourrée qui dégueule son cours dans le caniveau ; c'est des rats qui ont bouffé un livre moisi sur les romains et qui sont venus crever là.

Sur ce tas peine à pousser un peu de mousse sale, noirâtre, gluante, qui a l'ait de préférer le suintement dégueulasse de cette terre en putréfaction à la lumière su soleil. Hormis ça, il n'y a ici de vivant que les roses bancales. Ces roses bancales, c'est l'une de ces néo-espèces endémiques, qui poussent un peu partout par ici. Leurs feuilles sont rachitiques, mortes-nées, lépreuses, trouvées à peine écloses. Leurs tiges hésitent, rampent, s'élèvent, retombent, sinuent, retentent. Elles sont maigrelettes et isolées, mais pugnaces ; elles avancent comme un âne agonissant, serpentent entre les fragments de béton, de verre, de ciment, comme si ce qu'elles cherchaient désespérément n'était pas de ce monde. Leurs fleurs sont sporadiques, mais grégaires : elles forment des grappes de bourgeons bouffis, et les rares qui éclosent avant de crever dans leur propre jus offrent une corolle noire, miteuse comme une dentelle, et au milieu de leurs pétales racornis, exposent un cœur impudique, une subsistance malsaine d'un peu de rouge sanglant, comme une blessure vive. Ces saletés de fleurs sont douloureuses à regarder tant elles ont l'air de naître seulement pour agoniser. C'est à se demander ce qui les poussent encore à essayer. Un peu comme nous toustes, en fait.

Bref ; Pitié rentre à la maison. (…)

Explorez Dream Askew.